Après plusieurs mois de débats autour du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux TPE, un consensus avait été trouvé pour réduire les divergences entre artisans et auto-entrepreneurs.
Cependant, un amendement adopté au Sénat avec le soutien du Ministre de l’Économie avait relancé les débats.
Le texte en question supprimait la présomption de non-salariat qui existait jusqu’alors au bénéfice des travailleurs indépendants. En ouvrant à nouveau ce dossier, le Sénat, loin de régler efficacement le problème du salariat déguisé, envoyait un signal clair de défiance à l’égard des entrepreneurs.
Heureusement, en Commission Mixte Paritaire, les parlementaires ont eu la sagesse de renoncer à cet amendement dangereux.
Quel était l’enjeu de la mesure adoptée par le Sénat ?
Un amendement présenté par une sénatrice communiste et adopté avec l’appui du gouvernement disposait que « L’article L. 8221-6-1 du code du travail est abrogé ».
Or l’article en question prévoit qu’est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre.
Avec cet amendement, c’est le principe même de la présomption de non salariat qui était remis en cause pour les auto-entrepreneurs, mais pas uniquement. Soulignons que les enquêtes montrent que le salariat déguisé ne toucherait que 3% des auto-entrepreneurs.
Si l’amendement avait été confirmé, c’est la charge de la preuve qui aurait été inversé, le travailleur concerné devant prouver l’absence de lien de subordination juridique.
Tout auto-entrepreneur travaillant – c’est souvent le cas au début – pour un seul client aurait été présumé salarié. C’est aussi le cas du jeune retraité en cumul emploi-retraite qui n’exerce souvent que pour un client unique.
En retournant la charge de la preuve, le projet de loi prenait des mesures disproportionnées alors même que les garde-fous existent déjà pour lutter contre ces abus.
L’instabilité législative : une « plaie » française bien partagée
Au-delà du dispositif en lui-même, ce dossier est révélateur du changement permanent de la législation.
Le rappel des revirements législatifs sur cette question parle de lui-même :
- Création de la présomption de non salariat par la loi du 11 février 1994 dite loi Madelin.
- Suppression de la présomption par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail (dite loi Aubry II)
- Restauration de la présomption par la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique et réaffirmation de ce principe du 4 août 2008 de modernisation économique (dite loi Dutreil).
- Et peut-être en 2014, suppression à nouveau de la présomption de non salariat…
Faut-il en rajouter sur l’instabilité de cette législation ?
Heureusement les parlementaires ont eu la sagesse de revenir sur le vote du Sénat et de s’en tenir à la version initiale du texte.
L’Institut de la Protection Sociale (IPS) qui avait alerté les pouvoirs publics sur les effets néfastes de cet amendement et demandait le retour à la version initiale du texte peut se montrer satisfait que la sagesse l’ait emportée.
Lire le communiqué de presse de l’IPS sur le sujet du 15/05/2014.