Dans le cadre de la campagne présidentielle, l’Institut de la protection sociale (IPS) présente 16 propositions de réformes aux candidats.
Anna FERREIRA, co-responsable du pôle d’expertise « Simplification » de l’IPS, avocate au sein de la Direction Nationale du Pôle Retraite et Prévoyance d’entreprise de FIDAL et Antoine MONTANT, directeur du département conseil en droit social chez FIDUCIAL, membre du conseil d’orientation scientifique de l’IPS, décrivent les préconisations de l’Institut portant sur l’allégement du formalisme administratif qui pèse sur les entreprises. Ils défendent aussi le principe d’une compensation par l’État, de ce que le « think tank » nomme l’impôt social administratif. Celui-ci correspond aux dépenses supportées par les employeurs, consécutives aux réformes législatives et réglementaires imposées par les pouvoirs publics, trop souvent sans études d’impact.
Les relations entre l’URSSAF et les entreprises semblent de plus en plus tendues. Les règles en matière de protection sociale sont-elles à l’origine de ce climat ?
Anna Ferreira. – En tout cas, elles ne contribuent pas à l’améliorer. La protection sociale complémentaire d’entreprise est l’exemple type de l’overdose de complexité dont souffrent les entreprises et en particulier, les plus petites. Les exemples ne manquent pas dans lesquels nous assistons à une dérive administrative.
Prenons celui de la généralisation de la complémentaire santé. Cette législation a donné lieu, depuis 2013, à un texte réglementaire, en moyenne tous les 6 mois. Les entreprises doivent jongler avec les accords de branche et, lorsqu’elles veulent instaurer des garanties supérieures à celles des conventions collectives, avec diverses obligations : contrat d’assurance, décision unilatérale, notice d’information, plusieurs accusés de réception, bulletins d’adhésion et d’affiliation.
Plusieurs dizaines de pages seront à adapter à chaque entreprise et parfois à chaque salarié, selon les options choisies. Et si, en cas de contrôle, un seul document manque, l’URSSAF peut opérer un redressement. Ajoutons à cela que les entreprises les plus sociales, celles qui financent à 100 % la complémentaire santé au lieu du minimum obligatoire fixé à 50 %, seront les plus pénalisées, car la base du redressement correspond à celle du financement patronal !
Dans les faits, les relations entre l’URSSAF et les entreprises sont empreintes d’une grande défiance. Dès lors que les entreprises font l’objet d’un redressement, même minime, et pour des raisons d’erreur, elles sont considérées comme « fraudeuses ». Les plus petites d’entre-elles n’osent pas contester, car le coût de l’action serait supérieur à celui du redressement. De plus, une partie de ces redressements sont dus à des règles introduites en urgence. Exemples :
- La baisse du taux des allocations familiales expliquée par une circulaire du 18 mars 2016 datée du 1er janvier, pour une entrée en vigueur au 1er avril 2016
- Le versement santé instauré fin décembre 2015, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2016
Vous parlez d’impôt social administratif, pouvez-vous nous préciser cette notion ?
Antoine Montant. – Les entrepreneurs sont freinés par l’instabilité de la législation applicable. Toutes les enquêtes le montrent. Et pour ce qui est des changements permanents, la protection sociale emporte la palme !
Pour les seules années 2015 et 2016, 4 réformes majeures impactent les entreprises :
- La déclaration sociale nominative (DSN),
- Le compte pénibilité
- La généralisation de la complémentaire santé
- La mise en conformité des contrats santé responsables
À cela s’ajoutent les dizaines de lois, comprenant des dispositions sur la protection sociale, comme la loi annuelle de financement de la Sécurité sociale ou la loi Macron, pour ne citer qu’elles.
Beaucoup déplorent cette situation, mais peu de propositions de simplification suivent. Chaque année, de nouvelles obligations apparaissent.
Pour l’Institut de la protection sociale, il s’agit bien d’un « impôt social administratif » qui est tout sauf anecdotique. L’État est bien évidemment légitime pour imposer des changements de législation, mais il doit aussi être responsable des dépenses de gestion dont il se défausse sur les entreprises.