A l’heure où j’écris, nous ne savons toujours pas si le prélèvement à la source s’appliquera à compter du 1er janvier 2018.
En effet, Emmanuel Macron relayé par Gérald Darmanin, Ministre de l’Action des Comptes Publics semblent préparer la suspension voire la suppression du dispositif.
Or cette décision serait sage tant la réforme du prélèvement à la source comporte d’inconvénients pour de faibles bénéfices.
1 – Au-delà d’une simplicité de façade, le dispositif s’avère complexe
A compter de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, l’employeur deviendra le collecteur de l’impôt sur le revenu. La DGFiP lui transmettra pour chaque salarié le taux à appliquer sur le salaire net pour le mois suivant en utilisant les données fournies dans la DSN (déclaration sociale nominative) adressée par l’employeur.
La déclaration de revenus ne sera pas supprimée pour autant. Le montant de l’impôt à payer est en effet calculé à partir de la situation de famille (nombre de parts fiscales), des revenus autres que le salaire, d’éventuelles réductions d’impôt, etc. Les contribuables devront donc encore communiquer ces informations aux impôts une fois par an.
Cette déclaration annuelle devra être faite en ligne, l’obligation de télédéclaration d’impôt en ligne devant être généralisée à tous les contribuables d’ici 2019.
2 – Peu d’avantages pour les contribuables mais de nouvelles charges pour les entreprises
Avec le prélèvement à la source, qui marque la fin du décalage dans le temps de l’imposition, les contribuables connaitront mieux leur net disponible et par voie de conséquence leur pouvoir d’achat.
Cependant, près de 90% des actifs étant salarié et 60 % des ménages étant de surcroît mensualisé, cela ne va pas vraiment changer grand-chose pour les contribuables. D’autant plus que la déclaration de revenus est maintenue pour permettre un ajustement du taux de prélèvement en cours d’année en fonction de la réalité des revenus perçus.
En revanche, transformer les entreprises en percepteurs coûtera ainsi 2 milliards d’euros selon le Conseil des prélèvements obligatoires (rapport 2012). Cette charge ne pèsera que sur les épaules des entreprises, aucune contrepartie n’étant prévue à ce jour.
Cette charge administrative vient s’ajouter à de récentes obligations coûteuses à mettre en œuvre, telles que la déclaration sociale nominative (DSN) ou encore le compte pénibilité.
Pour autant, de nombreux risques ne doivent pas être négligés :
- Que se passera-t-il lorsqu’en situation de cessation de paiements une entreprise sera incapable de reverser à l’État les impôts qu’elle est chargée de collecter pour son compte ?
- Peu d’informations sont disponibles à ce sujet. Mais, un parallèle peut être dressé avec une situation bien connue : celle où la difficulté de paiement porte sur la part salariale des cotisations sociales.
- Dans cette situation assez courante, lorsque l’entreprise, suite au dépôt de bilan, se trouve dans l’incapacité de payer, le chef d’entreprise se voit reprocher une faute de gestion qui engage sa responsabilité personnelle. Il devra alors régler les arriérés de paiement de droits sociaux sur ses propres deniers.
- L’approche juridique des impayés d’impôts sur le revenu risque ici d’être assez similaire.
En outre, le prélèvement à source peut être à l’origine des tensions potentielles :
- L’entreprise appliquera le taux de prélèvement que l’administration lui indiquera. Mais si elle commet une erreur ou si cette erreur vient de l’Administration, sera en première ligne à l’égard de ses salariés. Au final, c’est l’employeur, collecteur de première ligne, qui essuiera les critiques de ses collaborateurs.
- Quant au fait que le taux de prélèvement soit communiqué par le fisc à l’entreprise, comment ne pas imaginer que cette situation, qui permet à tout employeur d’avoir une idée assez précise du montant global des revenus de chacun de ses salariés, n’ait aucune incidence sur sa politique salariale ? Et même si l’entreprise n’en tenait pas compte, les salariés auront toujours un doute. De quoi attiser les tensions sociales…..
- Enfin, comment seront traitées les 215.000 demandes de remises gracieuses ou d’étalement de l’impôt formulées l’an passé. Comment fera-t-on à l’avenir pour ces contribuables en grande précarité financière puisque leur entreprise n’a aucune légitimité pour leur accorder des délais de paiement de l’impôt ?
3 – Pour le Gouvernement, l’instauration du prélèvement à la source peut ruiner les premiers mois de sa politique sociale
Trois raisons à cela :
Masquer les baisses de cotisations sociales :
- Emmanuel Macron s’est engagé à supprimer les cotisations salariales santé et chômage en contrepartie d’une hausse de la CSG.
- Mais avec le prélèvement à la source, sur la paye de janvier 2018, les salariés ne verront pas la baisse de leurs cotisations mais…… la baisse de leur salaire.
Obtenir les bonnes grâces de entrepreneurs :
- Le nouveau Président s’est fait élire sur une promesse de simplification des normes. En maintenant le prélèvement à la source, il ferait rigoureusement l’inverse.
Eviter le risque de l’accident industriel :
- L’opération technique est moins simple qu’il n’y parait, comportant bon nombre de risques d’erreurs
- Or le souvenir du RSI est encore dans toutes les mémoires….
On le voit bien, le Gouvernement a tout intérêt, non pas à suspendre, mais à supprimer le prélèvement à la source.
Restera à instruire les responsabilités de ceux qui ont initié et porté cette réforme stupide….