Interview d’Antoine Montant,
Directeur du Département conseil en droit social chez FIDUCIAL, Membre du Conseil d’Orientation Scientifique de l’Institut de la Protection Sociale. FIDUCIAL est partenaire de l’IPS.
1 – Quels sont les principaux motifs de redressement des TPE sur les questions liées à la protection sociale ?
Selon le rapport établi par l’ACOSS chaque année, le montant des redressements issus du contrôle comptable d’assiette était de 752 millions d’euros, ce qui correspond à peu près à 2.3% des cotisations versées. 78 000 cotisants ont fait l’objet d’un contrôle en 2014.
50% des motifs de régularisation correspondent à des rémunérations non soumises à cotisations. Quasiment la moitié étant associée à des situations de travail dissimulé. Le reste provenant de faute non intentionnelle, donc d’erreur. Viennent ensuite les régularisations sur les mesures en faveur de l’emploi, puis les cotisations, contributions et versements annexes et enfin les frais professionnels.
Les redressements en matière de défaut de formalisme concernant la prévoyance ne sont pas identifiés précisément, sauf si l’on se réfère au thème « contribution retraite et prévoyance » qui représentent 17.4% des redressements relatifs aux cotisations. Par déduction, le montant total des redressements est peu important mais cela s’explique par le fait que l’obligation de mise en conformité en application du décret du 9 janvier 2012 n’est applicable que depuis le 1er juillet 2014.
Dans les faits, nous constatons de plus en plus d’opérations de contrôle sur ce thème, voire exclusivement sur ce thème.
2 – Avez-vous évalué le coût d’un redressement Urssaf par salarié, pour les entreprises qui sont sanctionnées pour ne pas avoir respecté le formalisme ?
Oui, nous estimons qu’un redressement sur ce thème est de l’ordre de 1 000 euros par salarié (réintégration de la part employeur dans l’assiette des cotisations plus régularisation Fillon). Mais, en fonction du montant de l’avantage, c’est-à-dire du montant de la part employeur à réintégrer, cela peut largement dépasser cette somme.
3 – Cette situation vous parait-elle cohérente et comment la faire évoluer ?
Si l’on s’en tient à l’ajustement strict à la nouvelle réglementation de 2012, bien sûr c’est cohérent.
Mais là n’est pas la question. En fait nous pouvons regretter que le formalisme exigé est extrêmement complexe pour une entreprise de petite taille, que ce formalisme ne fait qu’évoluer depuis 2012 par des positions changeantes de l’administration. Nous sommes en plein choc de la complexité !
Le report de la mesure de mise en conformité a été une véritable catastrophe. A son annonce, entreprises et conseil ont mis en suspend les opérations et ils se sont réveillés trop tardivement ensuite. Il aurait été plus judicieux de créer une tolérance.
Pour faire évoluer l’ensemble, l’IPS propose une mesure radicale. L’abrogation du décret de janvier 2012 ! Mais bien évidemment en proposant également des mesures compensatoires dans l’optique de donner plus de stabilités aux entreprises, de clarté aux textes et sans que cela ne coûte quoi que ce soit aux organismes sociaux.
Tout d’abord, partir du principe que l’employeur est de bonne foi. Charge à l’Urssaf de démontrer le contraire. Cela permettrait de privilégier les entreprises vertueuses, notamment celles qui améliorent les dispositifs conventionnels ou légaux (meilleure couverture des salariés par exemple). Ensuite, instaurer un mécanisme de mise en demeure avant redressement afin de laisser le temps aux entreprises de se mettre en conformité. Enfin nous plaidons pour la création d’un rescrit de projet. Ce rescrit permettrait de valider « ante », tout acte fondateur de mise en place de protection sociale complémentaire dans l’entreprise et sécuriserait ainsi les pratiques de l’entreprise au profit de l’ensemble de ses salariés.
Nous serions heureux que les pouvoirs publics nous entendent dans le cadre du prochain débat sur le PLFSS pour 2016.