Que faire des 32 Md€ de droits familiaux en 2040 ? C’est la question posée par le rapport Fragonard. Les pistes proposées sont multiples et pour certaines inquiétantes pour les familles
Bertrand Fragonard, président du Haut conseil de la famille, vient de remettre au Parlement son rapport sur les droits familiaux de retraite.
Le rapport n’a pas cherché à proposer « un bouleversement » du système ou à mettre fin à la pluralité des régimes de retraite actuels.
La masse financière que mobilisent aujourd’hui les droits familiaux (près de 15 Md€ en 2008) est appelée à progresser de 146 % d’ici à 2040 et devrait donc représenter à cette date quelque 32 Md€.
Le rapport propose une réforme à enveloppe constante en reprenant diverses propositions présentées à la commission Moreau en 2013, en y apportant toutefois des variantes.
Les auteurs rappellent qu’en dépit des effets des droits familiaux, la pension moyenne des femmes nées dans les années 1970 (et bénéficiant donc à plein de tous les dispositifs mis en place) devrait rester inférieure d’environ 20 % à celles des hommes.
Trois principaux dispositifs de droits familiaux existent à ce jour :
- les majorations de pension de 10 % accordées à tous les parents d’au moins trois enfants,
- les majorations de durée d’assurance (MDA) (des trimestres accordés principalement aux femmes, pour chaque enfant né, au titre de l’incidence sur la carrière de l’accouchement et de l’éducation)
- l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) créée en 1972 pour les parents qui cessent leur activité afin d’élever leurs enfants. Ces derniers peuvent alors bénéficier, sous condition de ressources, de trimestres d’assurance supplémentaires.
Ces trois dispositifs représentaient en 2008, 8 % de la masse des pensions de droits propres de tous les retraités, soit 12,6 milliards d’euros (chiffres de 2008). À l’horizon 2040, ils devraient représenter 31,9 milliards d’euros.
Le rapport souligne enfin que la part des droits familiaux qui bénéficient aux familles nombreuses (trois enfants ou plus) représente 80% du total, sachant que 40 % des retraités ont eu trois enfants ou plus.
Enfin, le patrimoine global médian des familles avec une famille de trois enfants ou plus (144 000 €) ne représente que 73 % de celui des retraités ayant eu moins de trois enfants (197 000 €).
Le rapport envisage plusieurs degrés de réforme pour chacun des dispositifs de droits familiaux, en appelant à une réforme à niveau financier constant.
Parmi les scénarios de réforme, la mission s’est penchée sur des scénarios de réforme globale « intégrant l’ensemble des droits familiaux ».
Elle revient ainsi sur le projet présenté en 2013 par la direction de la sécurité sociale à la Commission pour l’avenir des retraites (Commission Moreau) qui visait à créer progressivement un dispositif unique de compensation de la réduction d’activité pour enfant (en supprimant les MDA au profit d’une AVPF « simplifiée »). Au final, cette réforme aurait des « conséquences complexes » et le bilan gagnants/perdants est délicat à établir. Mais plus de 85 % des mères d’un ou deux enfants de la génération 1970 seraient gagnantes tandis que les perdants seraient essentiellement les pères et les familles nombreuses.
Est-ce bien nécessaire une fois de plus de sanctionner les familles nombreuses qui justement sont celles qui contribuent au renouvellement des générations ?