Dans une de ses dernières lettres « Trésor-Eco« , Bercy propose, sur le bulletin de paye, de remplacer la traditionnelle distinction juridique entre les cotisations employeurs et salariés au profit d’une distinction plus économique entre les prélèvements contributifs et non-contributifs et de clarifier l’affectation des cotisations sociales au financement des risques contributifs.
Une proposition préconisée en son temps par l’Institut de la Protection Sociale qui se réjouit de faire des émules.
Le but affiché de ce ballon d’essai est de favoriser un changement dans la négociation salariale.
Le bulletin de paye ne porterait plus sur un salaire brut (y compris cotisations salariales, mais hors cotisations employeurs, soit environ 130 % du salaire net), mais un « salaire complet » (salaire net et cotisations contributives, soit environ 150 % du salaire net), jugé « plus représentatif » de la véritable rémunération du salarié.
En France, le niveau élevé de la dépense publique (57,3 % du PIB en 2014) s’explique en grande partie par l’importance des régimes obligatoires de protection sociale.
Les prestations versées par ces régimes représentent en effet la moitié de la dépense publique (630 Md€ en 2014 soit 29,4 % de PIB), essentiellement sous la forme de pensions de retraite et de remboursements d’assurance maladie. Ces régimes sont pour une part contributifs – pour une part les retraites, la prévoyance et l’assurance chômage – alors que l’assurance maladie et les prestations familiales sont largement universelles.
Or, selon le Ministère des Finances, un niveau élevé de dépense publique conduit mécaniquement à un niveau élevé de prélèvements obligatoires. Or, les cotisations contributives financent des prestations directement rattachées au cotisant et peuvent ainsi être perçues comme un revenu différé ou une assurance obligatoire plutôt que comme un impôt tandis que les prélèvements finançant des régimes redistributifs (cotisation maladie ou famille) ne diffèrent pas économiquement d’un impôt sur les salaires.
Ainsi, la note du Ministère des Finances estime qu’en raison de la complexité de la fiche de paye et du manque de lisibilité du financement de la protection sociale, il est très difficile pour les salariés de distinguer les parts contributives et non-contributives des cotisations sociales.
Pour Bercy, une réforme de la fiche de paye aurait le double intérêt de :
- Clarifier le rôle des différents régimes versant les prestations
- Donner de meilleures incitations économiques, pouvant venir soutenir l’offre de travail.
La proposition du du Ministère des Finances est de remplacer la distinction juridique entre les cotisations employeurs et salariés au profit d’une distinction plus économique entre les prélèvements contributifs et non-contributifs et de clarifier l’affectation des cotisations sociales au financement des risques contributifs.
Cette nouvelle présentation pourrait prendre la forme suivante :
- Rassembler sur la fiche de paye l’ensemble des prélèvements non-contributifs (cotisations non-contributives, CSG, CRDS, contribution solidarité autonomie) au sein d’une « contribution sociale universelle ». Ce prélèvement aurait comme la CSG le statut d’impôt finançant des politiques sociales.
- Regrouper les cotisations sociales contributives qui serait ainsi assimilable à un revenu différé, en précisant les montants affectés à la couverture de chaque risque :
- Vieillesse,
- Chômage,
- Accidents du travail,
- Indemnités journalières de maladie,
- Accidents du travail et maladies professionnelles,
- Pensions d’invalidité,
- Décès,
- Indemnités journalières maternité.
Cette évolution entraînerait la scission du taux actuel de cotisation d’assurance maladie entre les différents risques qu’il finance (prestations en nature de santé non-contributives, pensions d’invalidité, indemnités journalières, capital décès).
Ce nouveau mécanisme accroîtrait la transparence du financement de la branche maladie et par là même son acceptabilité.
Dans ce nouveau schéma, les dispositifs d’allégement de cotisations sociales devraient être ciblés prioritairement sur les cotisations universelles (famille, maladie).
Ainsi, mettre en avant la notion de « salaire complet » (salaire net et cotisations contributives) devrait permettre aux salariés de mieux percevoir leur véritable revenu d’activité.
À terme, cette notion pourrait ainsi se substituer au salaire brut (salaire net et cotisations salariales) dans la négociation salariale et le contrat de travail, ce qui reviendrait à revenir sur la distinction entre les cotisations salariales et employeur au profit d’une nouvelle distinction plus économique entre cotisations sociales contributives et contributions sociales non-contributives, apportant une bien meilleure lisibilité du prélèvement social.
Pour le Trésor, cette évolution de la présentation de la fiche de paye ne semble pas devoir soulever de problèmes techniques particuliers, au-delà d’un accord sur le caractère contributif ou non de chaque cotisation.
Si elle était retenue, cette nouvelle définition déplaçant la notion du salaire brut vers le salaire complet aurait des implications en termes de négociation salariale. Elle aurait en outre des implications juridiques et techniques (définition du SMIC, transition à partir des contrats en cours, gouvernance des régimes sociaux, responsabilité de l’employeur dans le paiement des cotisations,…).
En toute hypothèse, cette hypothèse de travail du Ministère des finances est très intéressante et ouvre de belles perspectives pour notre système de protection sociale.