Tous les acteurs s’accordent à reconnaitre que les fiches de paie sont trop compliquées.
C’est la raison pour laquelle la simplification de la fiche de paie annoncée le 30 octobre dernier doit être généralisée au 1er janvier 2016.
Mais faute de s’attaquer au fond du problème, la mesure risque de n’être qu’un emplâtre sur une jambe de bois
Le 30 octobre dernier, le Conseil de simplification proposait la simplification des bulletins de salaire. L’annonce était attendue depuis quelques mois, Laurent Grandguillaume, co-président de ce conseil, n’ayant pas caché sa volonté d’alléger les fiches de paie des salariés qui pourraient ainsi mieux appréhender les informations qu’elles comportent.
Le problème est réel et que la majorité des salariés ne cherche plus à éplucher de près sa fiche de paie. Il faut reconnaitre que les dizaines de lignes se référant aux cotisations salariales et patronales ont de quoi en rebuter plus d’un. Pour y remédier, le Conseil de simplification propose un allègement de forme dans un premier temps. Les acronymes inconnus, liés aux différentes caisses, seront ainsi remplacés par leur affectation (santé, retraite, prévoyance, etc.). Une manière de mieux comprendre quelle part du revenu brut permet de financer telle ou telle caisse.
Mais le gouvernement souhaite aussi supprimer la plupart des mentions « associées aux prélèvements des employeurs » afin de réduire de façon « très significative le nombre de lignes du bulletin de paie ».
Les premières modifications ne porteront alors que sur les mentions relatives aux cotisations patronales.
C’est ensuite que s’effectuera le gros du travail, le gouvernement engageant un chantier de concertation avec les partenaires sociaux, les principales fédérations professionnelles, les experts comptables ainsi que le comité de normalisation des données sociales. Ces discussions doivent conduire au regroupement des cotisations salariales, mais aussi « au décompte des congés et au droit à formation ».
Le Conseil de simplification se trompe de combat.
En procédant ainsi, le Conseil risque de ne rien simplifier du tout.
Il va surtout donner au salarié une vision tronquée du coût de son travail, en occultant le poids des charges salariales.
En allégeant les informations intégrées dans les fiches de paie, le gouvernement assure que les entreprises réaliseront d’importantes économies. En octobre dernier, le gouvernement les évaluait à 2 milliards d’euros par an. A en croire ces estimations, le nouveau bulletin ne coûterait plus que 12 euros par mois à l’employeur, contre 17,50 à 21,50 euros aujourd’hui. On se demande d’ailleurs comment le gouvernement est parvenu à ce chiffre….
En fait, le chiffrage gouvernemental, revu depuis quelque peu à la baisse (1,6 milliard d’euros), dépasse le seul bulletin de salaire. Marisol Touraine et François Rebsamen mettent en avant le gain de temps obtenu grâce à la généralisation de la déclaration sociale nominative, censée à terme remplacer la plupart des déclarations sociales.
Ces éléments tendent à démontrer qu’un simple ravalement de façade de la fiche de paie risque surtout de masquer des informations utiles au salarié. Laurent Grandguillaume reconnaissait d’ailleurs qu’une telle réforme devait s’accompagner d’une refonte des cotisations salariales et patronales.
Le Haut conseil au financement de la protection sociale est également chargé d’examiner les mesures structurelles, notamment d’harmonisation des assiettes de cotisations sociales. Cela nécessite une refonte de toutes les caisses (retraite, santé, prévoyance) et potentiellement des régimes fiscaux et sociaux des entreprises, sujet d’une toute autre ampleur et aux enjeux considérables.
Sauf à rester sur une réforme cosmétique sans impact, le dossier est loin d’être réglé.
Pour aller plus loin : consulter l’article sur l’Entreprise