Lors du Congrès de la Mutualité Française, le Président de la République a lancé le chantier de la mutuelle santé pour les retraités.
Mais ce dossier constitue-t-il vraiment une priorité ?
On peut en douter.
Le président de la République a souligné que l’accord national interprofessionnel de janvier 2013 consacrant l’obligation de couverture de tous les salariés au 1er janvier 2016 n’avait pas épuisé le sujet. C’est particulièrement vrai des retraités, quand on sait que le coût moyen d’un contrat santé peut-être multiplié par 3,5 en moyenne pour une personne atteignant l’âge de la retraite.
Sur le principe, les choses semblent simples.
Pour la mise en musique, c’est moins évident.
En effet, deux voies sont possibles :
- La première consisterait à modifier l’article 4 de la loi Evin de 1989 qui oblige l’assureur d’un contrat d’entreprise à proposer au retraité qui le souhaite une garantie identique à celle des salariés pour une prime qui ne peut dépasser 150% du tarif global. L’idée serait de lisser l’augmentation tarifaire dans le temps : le taux maximum de la cotisation pourrait être de 100% les premières années, puis croître au fur et à mesure de l’entrée en âge, par exemple 120% à 70 ans, etc.
- La seconde solution emprunterait le chemin des contrats responsables. Plusieurs options sont ici possibles. La plus simple viserait à glisser une obligation de mutualisation avec les seniors dans le cahier des charges de ces contrats qui bénéficient d’une fiscalité moindre que les autres. On peut aussi imaginer la création ex nihilo d’un contrat super solidaire imposant des pratiques plus solidaires pour les retraités.
Mais comme souvent, les beaux principes se valident à l’aune du financement.
François Hollande a ainsi souligné que ce dispositif serait supporté par les salariés et les employeurs. Ce alors même que les salariés ont déjà subi une fiscalisation de l’abondement patronal à leur couverture santé et que les entreprises sont censées voir leurs charges sociales diminuer.
La question du financement s’avère d’autant plus cruciale que la facture risque d’être lourde.
En effet, le coût réel des complémentaires santé des retraités sous loi Evin serait aux alentours de 170% de la prime du contrat des actifs.
La voie des contrats responsables n’est pas forcément plus aisée car comment éviter l’effet d’aubaine quand on se souvient que les contrats collectifs ne pratiquent pas de tarification en fonction de l’âge.
Là encore, qui paiera l’addition ?
Au regard de la situation budgétaire du pays, il est peu probable que l’Etat puisse consacrer de l’argent à cette réforme. Alors que les exonérations de charges sociales sur les contrats collectifs constituent la principale composante des quelque 4 Md€ d’aides publiques, la tentation sera forte de réduire ces dispositifs au profit des retraités.
Plus que tout, c’est l’absence de gestion des priorités qui marque cette annonce de réforme.
Comme dans d’autres domaines de l’action publique, l’heure est au saupoudrage aux visées électorales évidentes.
Alors que de nombreux Français ne disposent pas de couverture sérieuse en cas d’invalidité, de décès ou de dépendance, ne serait-il pas prioritaire de s’y attaquer plus que de rechercher une illusoire égalité de traitement des retraités dont le niveau de vie n’a rien à envier aux actifs ?