Les décrets d’application du compte pénibilité ont été publiés le 10 octobre. Ce dispositif doit permettre aux salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité de bénéficier de points pour partir à la retraite plus tôt ou de se former pour se reconvertir.
Mais face à la complexité du dispositif, n’est-ce pas l’ouverture d’une nouvelle usine à gaz qui va ruiner une idée généreuse ?
La publication des modalités d’application du compte pénibilité était particulièrement attendue des partenaires sociaux, après un feuilleton riche en rebondissements.
Rappelons que ce compte pénibilité était l’une des mesures phares de la réforme des retraites. Mais face à la levée de bouclier du patronat, le gouvernement avait partiellement repoussé son entrée en vigueur.
Le principe du compte est simple: les salariés exposés aux facteurs définis par décret pourront acquérir des points leur permettant de se former, de gagner plus ou de partir plus tôt à la retraite. L’objectif est louable : permettre aux salariés exposés à des conditions pénibles de compenser cet état de fait.
C’est dans les modalités pratiques que le mécanisme se révèle être une usine à gaz qui va handicaper la compétitivité des entreprises et au final l’emploi.
Quatre facteurs en 2015, six en 2016
Si les facteurs de pénibilité sont bien fixés à dix, seuls quatre d’entre eux sont pris en compte dès janvier 2015. Les autres entreront en vigueur au plus tard, au 1er janvier 2016.
Pour chaque facteur de risque, des seuils comprenant l’intensité et la durée minimale d’exposition sont précisés.
- Le travail de nuit. Le seuil d’exposition est fixé à une heure de travail entre minuit et 5 heures, pour une durée minimale de 120 nuits par an.
- Le travail répétitif est pris en compte à compter d’une durée minimale fixée à 900 heures par an. Le décret précise deux points : le temps de cycle doit être inférieur ou égal à une minute, 30 actions techniques ou plus par minute avec un temps de cycle supérieur à 1 minute.
- Le travail en milieu hyperbare constitue le troisième facteur. Sont retenues les interventions réalisées sous une pression inférieure à 1200 hectopascals et répétées plus de 60 fois par an.
- Le travail d’équipe en horaires alternants est le quatrième facteur entrant en vigueur dès 2015. Il concerne le travail en équipes successives impliquant au minimum une heure d’activité entre minuit et 5 heures, avec une durée minimale de 50 nuits par an.
Les six autres facteurs (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes, bruit) n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2016.
L’employeur va devoir établir une fiche pour chaque travailleur exposé.
Un salarié exposé à un seul facteur va acquérir :
- 4 points par an
- et 8 s’il est soumis à plusieurs facteurs.
Dix points inscrits sur le compte personnel du salarié :
- ouvrent droit à 250 heures de formation professionnelle pour une future reconversion dans un emploi moins exposé,
- permettent également au salarié d’obtenir un complément de rémunération équivalent au salaire d’un trimestre à mi-temps
- Ou à un trimestre d’assurance vieillesse pour partir plus tôt à la retraite.
Au sein des TPE – PME en particulier, la mesure s’avère totalement inapplicable, notamment au niveau des fiches de prévention de la pénibilité à remplir par les employeurs.
La France n’est-elle pas totalement schizophrène quand – à l’heure où ses comptes publics sont dans le rouge vif – elle met en place à la fois le compte pénibilité et des mesures sur la simplification de la vie des entreprises ?
Comprenne qui pourra.