C’est ce qu’inspire le dispositif tel qu’il se dessine des dernières déclarations gouvernementales et du Rapport de Virville. Le seul avantage est qu’on a fait le choix d’une moindre complexité pour les entreprises. Mais au prix de la création d’un nouveau régime spécial propre à certains salariés.
Dans 6 mois, le compte personnel de prévention de la pénibilité, doit entrer en vigueur.
Dans le prolongement du rapport rédigé par Michel de Virville, les contours opérationnels se précisent. Le 24 juin 2014, les ministres des Affaires sociales et du Travail ont présenté les modalités retenues par le gouvernement.
C’est ainsi que l’exposition des salariés à un ou plusieurs des dix facteurs de pénibilité identifiés par la loi se fera « au regard des conditions habituelles de travail, en moyenne sur une année ». La démarche est ainsi collective : l’employeur identifiant les types de postes ou de situations de travail susceptibles d’être exposés et rattachant à ces situations de travail les salariés concernés.
Afin que le dispositif soit le plus simple possible, ce dernier est conçu pour éviter toute approche détaillée où l’exposition de chaque salarié serait examinée en continu. Le gouvernement répond là à l’une des principales craintes des organisations patronales, pointant la complexité du compte de pénibilité.
L’exposition des salariés est ainsi mesurée en fonction de seuils annuels qui croisent « une intensité (mesurée en décibels pour le bruit, en kilogrammes pour les manutentions manuelles de charge…) et une temporalité (mesurée par une durée ou une fréquence) ». Un salarié bénéficie d’un compte de pénibilité dès lors qu’il dépasse le seuil annuel d’exposition à au moins l’un des dix facteurs de risques professionnels inscrits dans le code du travail. Les seuils sont appréciés « après prise en compte des moyens de protection prévus par l’employeur ».
La déclaration des expositions se fera par le biais des logiciels de paie. Pour les salariés concernés, l’entreprise devra, une fois par an, sélectionner dans l’outil de gestion de la paie, les facteurs auxquels ils auront été exposés. Grâce à ces données, l’outil informatique devra pouvoir éditer la fiche individuelle de prévention, archiver les fiches de prévention, déclarer et payer la cotisation spécifique, et enfin, déclarer en fin d’année les expositions à la Cnav, chargée de la gestion des comptes de pénibilité.
La question des cotisations est intéressante en termes de simplifications car :
- la cotisation de base ne sera pas appliquée avant 2017. Elle sera ensuite « affectée d’un taux très bas, 0,01 % ».
- Elle portera sur l’assiette de droit commun et sera soumise aux exonérations concernant les bas salaires.
- Quant à la cotisation « spécifique », due uniquement pour les salariés exposés, son taux sera fixé à 0,1 % les deux premières années, puis à 0,2 % à compter de 2017 – un taux doublé en cas de polyexposition. Selon le Gouvernement, constituant un outil d’incitation à la prévention, elle n’est pas soumise aux exonérations concernant les bas salaires.
Encore une belle illustration de la manière dont la complexité administrative se construit….
Concernant l’attribution des points, les salariés dont l’employeur déclare l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité se voient attribuer des points, cumulés sur le compte personnel de pénibilité, dans la limite de 100 points. La Cnav est chargée d’alimenter le compte en fonction des déclarations des entreprises, l’acquisition de points se faisant au rythme de 4 points par an pour un salarié exposé à un seul facteur de risques, et 8 points pour un salarié exposé à plusieurs facteurs.
Un barème bonifié est prévu pour les salariés de plus de 52 ans, pour leur faciliter l’accès au temps partiel ou à l’anticipation du départ à la retraite.
Le salarié peut ensuite mobiliser les points acquis de trois façons :
- pour se former en vue d’accéder à un poste moins exposé (les 20 premiers points sont réservés à cet usage) ;
- pour réduire son temps de travail tout en maintenant sa rémunération ;
- pour anticiper son départ à la retraite.
Et pendant ce temps-là, les entreprises meurent et le chômage n’a jamais été aussi important en France.
Mal conçu, déconnecté de la réalité et alourdissant les charges des entreprises, il y a urgence à annuler ce dispositif coûteux et d’un autre âge.
Ce qui est frappant, c’est que le compte pénibilité ne s’inscrit en rien dans une vision moderne de la protection sociale centrée sur l’individu et non sur son statut.
Espérons qu’il constitue le dernier dinosaure d’une législation pensée par des rêveurs coupés des réalités.