Alors que le sujet du report de l’âge de départ à la retraite divise les Français et cristallise toutes les tensions, l’IPS (Institut de la Protection Sociale) a élaboré une série de propositions pour aller au-delà du simple prisme de l’âge. L’enjeu : nourrir la réflexion pour l’avenir de notre pays et des générations futures.
Pour l’IPS, la réforme des retraites est indispensable mais doit se faire dans un climat de confiance et de concertation entre les différents acteurs (assurés, partenaires sociaux, entreprises et opérateurs), et en offrant plus de liberté et de souplesse aux Français dans leurs choix. Le système actuel fonctionne selon le mécanisme de compensation entre régimes, institué en… 1974. Il est aujourd’hui impératif de le faire évoluer et offrir de nouvelles perspectives, notamment aux plus jeunes.
Focus sur les 9 propositions de l’IPS :
• Rendre possible une liquidation anticipée de sa retraite dès 45 ans.
Dans une société qui évolue, où le rapport au travail a profondément évolué ces dernières années (recherche de sens, équilibre vie pro/vie perso, envie de reconversion…), le système doit être adapté pour apporter plus de souplesse et plus de liberté aux nouvelles générations, et ainsi susciter leur adhésion. L’IPS suggère qu’à partir de 45 ans et sous réserve d’une durée minimale de cotisation (par exemple de 20 ans), il soit possible de demander une liquidation anticipée de sa retraite, pour une durée maximale de 24 mois. En contrepartie, l’âge de départ serait mécaniquement reporté de la durée de cette liquidation anticipée.
• Protéger plus efficacement les enfants des retraités
Avec une espérance de vie qui s’allonge, et un âge de procréation qui suit la même tendance, de nombreux retraités parviennent aujourd’hui à la retraite, alors qu’ils ont encore à charge des enfants mineurs. En cas de décès d’un des parents dans les premières années de sa retraite, aucune prestation ne sera alors versée, avec les conséquences dramatiques que cela implique. Afin que les enfants puissent être mieux protégés (poursuivre leurs études), l’IPS préconise d’intégrer dans la garantie des actifs une option permettant le maintien et l’adaptation des garanties lors du départ en retraite.
• Augmenter sa retraite en cumulant emploi et retraite
Le taux d’emploi des 55-64 ans se situe à 56% 1, et à 35,5% pour les 60-64 ans. Dans le même temps de nombreux secteurs font face à une très forte pénurie de main-d’œuvre. Face à ce constat, l’IPS demande à ce que le cumul emploi retraite soit facilité, en l’autorisant sans condition pour toutes les professions à compter de l’âge légal de départ à la retraite. Et pour inciter les retraités à poursuivre une activité, celle-ci pourrait générer des droits supplémentaires, permettant d’accroitre le montant final de sa retraite, au moment de la cessation définitive d’activité.
• Moderniser la pension de réversion
Aujourd’hui, tous les régimes ne sont pas logés à la même enseigne : que l’on soit salarié, indépendant, ou libéral, les droits varient, et sont soumis ou non à des conditions de ressources. L’IPS est favorable à l’instauration d’un système cohérent, souple et adapté aux besoins de tous. Le Think tank propose que le cotisant puisse avoir le choix du montant, soit une réversion de 60% en cas de décès, soit une réversion pouvant aller jusqu’à 100% moyennant une décote du montant de retraite perçu par le cotisant de son vivant, en fonction de l’écart d’âge entre les époux, et sans conditions de ressources. Un dispositif semblable existe aujourd’hui pour la caisse des notaires, il pourrait être source d’inspiration.
• Sécuriser notre système en augmentant l’âge de départ de 62 ans à 64 ans
Selon les chiffres du Conseil d’orientation des retraites (COR), dès 2023 notre système repassera dans le rouge d’ici 2032 et le déficit devrait s’établir entre 0,5 et 0,8 points de PIB. Pour l’IPS, l’équilibre des comptes doit être la priorité car sans les réformes passées, les dépenses de retraite seraient aujourd’hui hors de contrôle (environ 20% du PIB contre 14% actuellement). Un allongement de 2 ans de l’âge minimal, passant de 62 à 64 ans, permettrait d’équilibrer les comptes et de maintenir le niveau de vie des de retraités. Ce report de l’âge de départ permettrait de ne pas sous indexer les pensions, ni d’appauvrir les retraités, ni d’augmenter les cotisations sociales des actifs. Un report à 65 ans permettrait de financer les besoins liés à la dépendance, estimés à 9 milliards d’euros par an.
• Introduire une dose de capitalisation collective au sein des régimes obligatoires
Alors que notre population stagne sur le plan démographique, et que nous avons gagné plus de 7 ans d’espérance de vie depuis l’instauration de la retraite à 60 ans en 1981, le système du « tout répartition » (un cotisant finance un retraité), atteint ses limites. L’IPS estime qu’il y aurait un intérêt à instaurer une dose de capitalisation collective au sein de nos régimes obligatoires. Une question d’autant plus cruciale que la France manque de capitaux propres pour ses entreprises, ce qui fragilise notre souveraineté nationale. Deux importants régimes obligatoires ont intégré tout ou partie des droits en capitalisation collective : le régime additionnel de la fonction publique (RAFP) et celui du régime complémentaire des pharmaciens (CAVP). Deux régimes inspirants qui ont fait leurs preuves quant à l’équilibre de leurs comptes.
• Enterrer définitivement le projet de retraite universelle…
Cette idée de régime universel unique doit être définitivement abandonnée. Selon l’IPS, l’opposition des partenaires sociaux doit être entendue et les pouvoirs publics doivent se concentrer sur l’équilibre des comptes tout en adaptant certaines règles afin que chaque français pilote au mieux sa retraite.
• …Et le projet de recouvrement des cotisations complémentaires par les URSSAF
Ce transfert du recouvrement des cotisations de retraite des caisses complémentaires doit être abandonné car centralisant l’ensemble des recouvrements entre les mains de l’État. Cette mesure pose un problème de fond, en imposant de fait un pan de la retraite universelle, sans que la globalité de celle-ci n’ait été validée par le Parlement.
• Un meilleur droit à l’information
Depuis la loi Fillon de 2003, le droit à l’information a été considérablement amélioré. Pour autant le système actuel (le GIP Info retraite) est perfectible notamment pour les régimes des indépendants, et les majorations propres à certains régimes (professions libérales), comme par exemple les « options conjoints » doivent apparaitre.
« Aujourd’hui nous devons rompre avec cette logique d’un pilotage vertical, dicté par l’État » résume Bruno Chrétien, Président de l’Institut de la Protection Sociale. « Les partenaires sociaux et les Français doivent être mieux impliqués dans la construction d’un nouveau modèle mieux adapté à notre époque. On ne peut pas uniquement parler aux Français du recul de l’âge de départ à la retraite, c’est contre-productif et anxiogène…Il faut injecter plus de souplesse, plus de justice et plus de liberté dans le système actuel si l’on veut rendre cette réforme audible et acceptable. Il faut aussi une meilleure information, chaque français devant pouvoir disposer de données fiables et complètes sur ses droits. Aujourd’hui, selon la Cour des Comptes, 10% de français ne touchent pas la retraite à laquelle ils auraient droit, et cela doit absolument s’améliorer ».