Projet de loi sur l’artisanat, le commerce et les TPE : En supprimant la présomption de non-salariat, le Sénat ravive un dossier sensible

Paris, le 15 mai 2014. Après plusieurs mois de débats autour du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux TPE, un consensus avait été trouvé pour réduire les divergences entre artisans et auto-entrepreneurs.

Cependant, un amendement adopté au Sénat avec le soutien du Ministre de l’Économie ravive les débats. Ce texte supprime la présomption de non-salariat qui existait jusqu’alors au bénéfice des travailleurs indépendants. En ouvrant à nouveau ce dossier, le Sénat, loin de régler efficacement le problème du salariat déguisé, envoie un signal clair de défiance à l’égard des entrepreneurs.

Pour cette raison, l’Institut de la Protection Sociale (IPS) demande le retour à la version initiale du texte et le maintien de la présomption de non-salariat.

1 – Quelle est la mesure adoptée par le Sénat ?

Un amendement présenté par une sénatrice communiste et adopté avec l’appui du gouvernement dispose que « L’article L. 8221-6-1 du code du travail est abrogé ».

Or l’article en question prévoit qu’est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre.

Avec cet amendement, c’est le principe même de la présomption de non salariat qui est remis en cause pour les auto-entrepreneurs, mais pas uniquement.

Le travail dissimulé constitue un problème réel et la lutte contre le salariat déguisé est légitime. Mais le salariat déguisé ne toucherait que 3% des auto-entrepreneurs. La portée de ces abus doit donc être relativisée, des contrôles plus poussés de la part des organismes sociaux devant suffire à les combattre.

En retournant la charge de la preuve, le projet de loi prend des mesures disproportionnées alors même que les garde-fous existentdéjà pour lutter contre ces abus.

2 – Quel est l’impact réel de cette mesure pour les petites entreprises ?

La présomption de non salariat est aujourd’hui une présomption simple. Elle peut donc être remise en cause s’il est démontré que la personne employée exerce son activité au profit d’un tiers sous la subordination juridique permanente de celui-ci.

Mais c’est à celui qui demande la requalification de la relation de travail en relation salariale (I’URSSAF ou l’inspection du travail) d’apporter la preuve de ce lien de subordination juridique.

La loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises – si l’amendement était confirmé – inverserait, en fait, le sens de la preuve. Ainsi, ce serait désormais au travailleur concerné de prouver l’absence de lien de subordination juridique.

Tout auto-entrepreneur qui travaillera – c’est souvent le cas au début – pour un seul client sera présumé salarié. Dans les faits, il deviendra systématiquement suspect et devra être en mesure de se défendre face à des contrôleurs.

En outre,  sous couvert d’encadrer l’exercice du statut d’auto entrepreneur, cette révolution juridique concerne, en fait, tous les travailleurs indépendants. L’impact de la mesure est ainsi plus fort que ce qui a été prévu initialement.

3 – Un cas d’école de l’instabilité législative

Au-delà du dispositif en lui-même, ce dossier est révélateur du changement permanent de la législation.

Le rappel des revirements législatifs sur cette question parle de lui-même :

  • Création de la présomption de non salariat par la loi du 11 février 1994 dite loi Madelin.
  • Suppression de la présomption par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction du temps de travail (dite loi Aubry II)
  • Restauration de la présomption par la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique et réaffirmation de ce principe du 4 août 2008 de modernisation économique (dite loi Dutreil).
  • Et peut-être en 2014, suppression à nouveau de la présomption de non salariat…

Faut-il rajouter autre chose sur l’instabilité de cette législation ?

CONCLUSION :

A la lumière de ces indications, l’Institut de la Protection Sociale souhaite attirer l’attention du Parlement et demande l’abrogation de l’article adopté par le Sénat et le maintien de la présomption de non salariat.

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