Paris, le 26 juin 2013. Les différentes pistes de réforme des retraites viennent d’être présentées par le Rapport Moreau. Les annonces récentes faites par le Président de la République indiquent qu’une hausse de la cotisation vieillesse déplafonnée est prévisible.
Après les hausses récentes intervenues depuis moins d’un an (0,5% pour la retraite de base et 0,25% pour les retraites complémentaires Arrco et Agirc) cette évolution alourdira à la fois le coût du travail et réduira le pouvoir d’achat. Elle contribuera aussi à une dégradation du chômage.
Cette évolution met surtout en évidence une tendance lourde au sein des cotisations obligatoires. Alors qu’elles constituent un salaire différé au profit des salariés, les cotisations obligatoires sont devenues par touches successives un « impôt social ». Le lien entre les cotisations versées et les prestations obtenues s’avère de plus en plus faible. Cette évolution porte en germe un risque grave : la mise en cause du consentement des Français au paiement des cotisations obligatoires
L’Institut de la Protection Sociale (IPS) s’inquiète de cette évolution préjudiciable aux salariés. Il appelle à des changements importants dans le financement de la protection sociale obligatoire.
1 – Pour bien comprendre : les cotisations sociales n’augmentent pas toujours la retraite et les prestations sociales des salariés.
Les cotisations sociales obligatoires constituent la contrepartie de la réalisation d’un risque éventuel. Elles permettent la mise en place de prestations sociales correspondantes.
L’un des principes sur lesquels la sécurité sociale fut fondée en 1945 était que les salariés se privaient d’un salaire immédiat pour se prémunir en cas de maladie, d’arrêt de travail et de retraite. Cependant, sans qu’il n’y paraisse, ce principe d’origine a été fortement remis en cause. Aujourd’hui, force est de constater que la proportion entre le montant des cotisations versées et le total des prestations espérées s’amenuise.
Cette situation s’explique pour plusieurs raisons :
- D’une part, il existe des seuils de déclenchement de certaines Il faut avoir cotisé au moins un minimum pour en bénéficier, même si le revenu déclaré était inférieur ;
- D’autre part, nombre de prestations sont désormais plafonnées. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas dépasser un certain montant, quel que soit le revenu déclaré.
- Lorsque la cotisation est plafonnée et que la prestation est également plafonnée, cela ne pose aucune difficulté : il y a bien une proportionnalité entre ce qui est versé et ce qui peut être perçu le cas échéant. On se trouve alors dans une logique d’assurance classique : le montant espéré est directement fonction du montant cotisé.
- Mais, en raison des difficultés financières rencontrées par les régimes sociaux, un certain nombre de cotisations ont été déplafonnées, sans que pour autant la prestation soit elle aussi déplafonnée.
Sur le strict plan du « retour sur investissement » pour chaque salarié, il ne sert alors à rien de payer une cotisation au-delà d’un certain salaire. En effet, la prestation ne pourra plus alors augmenter. Dans ce cas, on peut parler d’une véritable taxe sociale.
Qu’est-ce qu’une cotisation sociale productive ?
Une cotisation est productive lorsque deux éléments la constituant sont réunis :
- il existe une proportion entre le montant payé et la prestation espérée,
- il existe une cohérence entre les seuils de déclenchement et les limites maximales et minimales tant des cotisations que des
Exemple : la cotisation de retraite complémentaire obligatoire du salarié cadre (Régime Agirc) est assise sur une base comprise entre le plafond de la Sécurité sociale et la rémunération perçue (sans que celle-ci puisse dépasser 8 fois le plafond de la Sécurité sociale) ; les droits à retraite sont calculés sur la même assiette : la cotisation est productive (hormis la quote-part payée au titre du taux d’appel).
Qu’est-ce qu’une taxe sociale ?
Par opposition à une cotisation productive, peut être considérée comme une taxe sociale toute cotisation qui n’ouvre pas un droit particulier à une prestation ou qui permet l’obtention éventuelle de prestations sans lien – ou sans proportionnalité – avec le montant cotisé. Ainsi, pour certains risques, le versement de cotisations se présente clairement comme une taxe sociale.
Exemple : la cotisation d’allocations familiales est variable en fonction du revenu et calculée sur la totalité de ce revenu déclaré ; les prestations sont forfaitaires et déterminées selon d’autre critères que le revenu comme par exemple le nombre d’enfants : il ne s’agit donc pas d’une cotisation productive.
2 – Le taux de taxes sociales compris entre 31% et 100% selon le niveau du
Ce qui pose problème désormais, c’est le poids excessif des cotisations obligatoires n’apportant aucune prestation à ceux qui les versent. Le principe de solidarité est parfaitement justifié en lui- même.
Mais la confusion des différentes logiques rend le système social illisible pour les Français.
Cela risque de susciter des phénomènes de rejets, particulièrement pour ceux dont les salaires dépassent le plafond annuel de sécurité sociale (37 032 € par an en 2013). Pour eux, l’efficacité du système est devenue trop faible.
Le pourcentage des cotisations sociales versées en pure perte (c’est-à-dire non productives de droits) augmente au fur et à mesure que le salaire progresse :
- Jusqu’au plafond, la part des cotisations productives est largement prépondérante (près de 70%)
- Entre le plafond (37 032 € /an) et 4 fois cette somme (148 128 €/ an), la part des taxes sociales l’emporte à plus de 61%
- Entre 4 fois le plafond (148 128 € /an) et 8 fois cette somme (296 256 €/an), c’est près de 69% des cotisations qui n’ont aucun impact sur les prestations
- Au-delà de 8 fois le plafond, 100% de ce qui est versé l’est en pure perte pour le salarié concerné.
En reprenant en détail les cotisations obligatoires, il est possible de dissocier celles qui sont réellement productives de droits – et dans quelles limites – de celles qui ne conduisent à l’ouverture d’aucun droit et qui peuvent être assimilées à une taxe sociale.
A la lumière de ces indications, l’Institut de la Protection Sociale (IPS) souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics :
- Sur l’évolution progressive du système Français de protection sociale vers un système d’assistance sociale. Alors qu’elles constituent un salaire différé au profit des salariés, les cotisations obligatoires sont devenues par petites touches successives un « impôt social ».
- Le lien entre les cotisations versées et les prestations obtenues s’avère de plus en plus faible. Le risque est majeur car cela fragilise ainsi l’acceptation par les Français du consentement au paiement des cotisations
L’Institut de la Protection Sociale (IPS) demande de dissocier le financement :
- des régimes à solidarité universelle (santé et allocations familiales),
- des régimes procurant un revenu de remplacement (indemnités journalières, invalidité, décès et retraite).
- Pour ces régimes, la proportionnalité commande un financement professionnel ou personnel obligatoirement en équilibre.
- Le législateur pourrait ici s’inspirer de l’autonomie laissée à certains régimes complémentaires obligatoires, comme ceux des TNS. Pour ces régimes, qui n’ont pas droit au déficit, les administrateurs doivent en équilibrer impérativement le financement.